Combien de fois avait-il déjà observé cette scène, debout sur un promontoire, ou un quelconque observatoire surélevé ? Les soldats s’activaient à charger les soutes du navire, constituant une chaîne disciplinée et efficace. Le campement était à présent presque complètement défait, et il aperçu au loin deux de ses éclaireurs Varel, invisibles aux yeux non aguerris, effectuant leur dernière ronde sur cette île.
Le même manège se déroulait chez les autres, il voyait les différents étendards embarquer chacun de leur côté.
Raven afficha un petit rictus de satisfaction et rangea sa longue-vue dans son étui.
Retour au bercail… mais quel bercail ? Né Serguei Arkreish, avait-il jamais eu une véritable patrie ? S’était-il déjà battu pour une terre ? Un pays ?
Non, il s’était battu pour ses idées… tout en prétendant se battre pour ses semblables. Tel était le principal changement qui caractérisait le nouveau lui : dorénavant, il se préoccuperait plus des gens, et moins de ses propres lubies. Ses aveuglements passés lui apparaissaient clairement, comme si un nouveau regard éclairait le chemin qui l’attendait.
Si seulement il avait pu partager tout cela avec Wolf…
Raven avait tant de choses à racheter, à accomplir encore, c’était un monde nouveau qui lui ouvrait les bras, et il n’allait pas chômer.
Un soudain vertige l’envahit, et il posa un genou à terre, la vue trouble et la mâchoire crispée…
…encore cette terrible sensation de vide, de manque. Il avait ressenti durant quelques heures la divinité, l’immortalité, et son corps de mortel en subissait l’inévitable contrecoup, il se doutait que ces symptômes ne l’abandonneraient pas de sitôt. Quant à la part de corruption qui était en lui, la disparition de Voronosse ne l’avait pas affectée autant qu’il le pensait, elle allait l’accompagner encore durant un bout de chemin.
Il reprit ses esprits et se redressa lentement, il ne ressentait plus qu’une légère nausée.
Maurigane et Heinrich étaient déjà monté dans le bateau, juste après avoir échangé encore quelques mots avec l’état-major Eléonoran. Ces deux-là comptaient sur lui, et pour une fois, il accordait de la valeur à cette confiance, et ferait tout pour ne pas la décevoir. Le chantier qui s’annonçait allait demander toutes leurs énergies, et il était hors de question qu’il parte bille en tête comme par le passé, il allait falloir se serrer les coudes et se soutenir. Il avait autant de respect pour l’impératrice que d’affection pour la femme, et l’amitié qu’il éprouvait envers Heinrich Balrons n’avait été que renforcée par les derniers évènements.
Et il ne désespérait pas de faire entendre sa voix et ses convictions politiques dans la reconstruction de Tashal. Il savait qu’il allait devoir faire des efforts surhumains pour accepter les compromis et ne pas ruer dans les brancards, mais c’était un prix qu’il était désormais prêt à payer… en tout cas il essayerait.
Son regard se porta vers le nord-ouest. Il n’oubliait pas le Varelmaar. Cette terre serait encore pour un moment un atroce champ de bataille, et il valait mieux ne pas s’en mêler au risque de faire couler encore trop de sang inutilement, les Varels vivaient leur Entmund. Un jour, ce peuple devra reconstruire son propre pays, et si à ce moment-là Raven était encore en vie, et encore capable de tenir une épée ou de survivre à une réunion de chefs de clans, il savait que cela le démangerait de revenir les voir avec quelques idées nouvelles à leur proposer. Ils méritaient bien un coup de pouce pour un avenir meilleur, il leur devait bien ça.
Raven esquissa un sourire. Toujours aussi optimiste, n’est-ce pas pauvre idiot ? La retraite, la belle ferme avec femme et enfants, le fauteuil confortable… pas encore pour demain !
Un mouvement attira son attention, et il posa le regard sur un corbeau qui venait de se poser sur une branche à quelques mètres de lui. Le volatile fixait sur lui ses yeux noirs. Raven croisa les bras et s’adressa à l’animal :
« Encore toi ? Patience mon vieux, patience… »L’oiseau poussa un croassement furieux et pris son envol.
Et c’est avec un grand éclat de rire que Raven redescendit de son poste d’observation.
Il riait encore lorsqu’il arriva au pied de la colline, devant ses soldats médusés.
Difficile de comprendre ce que vous pouvez ressentir, vous autres créateurs d'Hybras, même si les messages de Julie et Fred en donnent une idée assez claire. Mais encore merci à vous tous, architectes du chaos. Mon texte fait un peu égocentrique, mais il fallait pas nous inventer des rôles pareils, aussi, bande de fous ! En dix ans, Alchimie a bâti quelque chose d'unique et d'enchanteur, et tous les joueurs qui ont participé à cette épopée en garderont quelque chose. Merci de nous avoir réuni sur Hybras.